
Zoom sur l’arrêt n°383 F-D du 02-07-2025 (24-15.025, Inédit) de la chambre commerciale, financière et économique de la cour de cassation-cassation totale : BONNE NOUVELLE (…RELATIVE) POUR LES DIRIGEANTS POURSUIVIS POUR INSUFFISANCE D’ACTIF DANS LE CADRE D’UNE PROCEDURE COLLECTIVE
Une SARL, constituée en 1993, ayant pour objet une activité d’agence de voyage et dirigée par le même gérant depuis sa création a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à la demande de son dirigeant. Par jugement du 20-02-2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire, sans administrateur, et nommé un mandataire judiciaire. Ce dernier a sollicité et obtenu, par jugement du 09-07-2019, la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, contestée en appel par la SARL.
Par un arrêt du 07-07-2020, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de commerce du 09-07-2019 et maintenu le mandataire judiciaire en sa qualité de liquidateur judiciaire.
Faisant grief au dirigeant de la SARL d’avoir commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, le liquidateur judiciaire l’a assigné par acte extra judiciaire du 30-06-2022 devant le tribunal de commerce de Paris.
Considérant que le dirigeant de la SARL « a commis des fautes de gestion qui ont contribué à l’insuffisance d’actif de la société », le tribunal a, par jugement du 27-06-2023, condamné le dirigeant à payer au liquidateur judiciaire, ès qualités, la somme de 11 185,60 euros.
Le 21-07-2023, le liquidateur judiciaire a interjeté appel du jugement en ce qu’il aurait limité, à tort, la condamnation du dirigeant dans des proportions qu’il estime nettement insuffisantes. Le dirigeant de la SARL n’a pas constitué avocat devant la cour.
Dans son avis du 16-10-2023, le ministère public a invité la cour à infirmer le jugement déféré et à faire droit à la demande du liquidateur judiciaire, appelant, en condamnant le dirigeant de la SARL à combler l’insuffisance d’actif à hauteur de 300 294,85 euros correspondant à la totalité du montant du passif déclaré soit au plafond de la condamnation susceptible d’être prononcée.
Par arrêt du 29-02-2024, la cour d’appel de Paris a condamné le dirigeant de la SARL à payer au liquidateur judiciaire, ès qualités, « la somme de 300 294,85 euros en insuffisance d’actif ».
L’ex-gérant de la SARL a formé un pourvoi contre l’arrêt du 29-02-2024 considérant que la cour a violé deux textes légaux :
1.L’article 472 du code de procédure civile ainsi libellé : « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.
Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. » ;
2.L’article L.651-2 alinéa 1er du code du commerce, dans sa version en vigueur depuis le 15-05-2022, relevant « DE LA RESPONSABILITE POUR INSUFFISANCE D’ACTIF » précisant que : « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. ».
L’arrêt du 29-02-2024 est cassé et annulé en toutes ses dispositions ; la cour suprême reprochant à la cour d’appel de Paris d’avoir violé les deux textes susvisés, « en statuant ainsi, sans analyser, même de manière sommaire, les éléments de preuve produits par le liquidateur pour établir le montant certain de l’insuffisance d’actif qu’il lui incombait de déterminer au jour où elle statuait. ».
La cour de cassation a décidé de sigler son arrêt du 02-07-2025 de la lettre « D » (ou Inédit) en choisissant de ne pas le publier considérant qu’il ne présente aucun intérêt normatif ou qu’il se borne à mettre en œuvre une jurisprudence constante de la cour de cassation.
Autrement dit, la cour de cassation demande à la cour d’appel de renvoi de « revoir sa copie » en « musclant » sa motivation par une analyse probatoire apodictique de l’insuffisance d’actif rappelant que « l’arrêt » qui « se borne à énoncer qu’il n’est pas contesté que l’insuffisance d’actif s’élève à la somme à la somme de 300 294,85 euros puis retient que la preuve de la gravité des fautes commises et de leur corrélation avec l’insuffisance d’actif est rapportée » manque manifestement en droit !